Retour

L’oubli, gardez-le en mémoire

16
February
2023

Les déficits mnésiques ont habitué l’esprit à voir l’oubli comme un embarras. C’est pourquoi la mémoire et l’oubli continuent à s’opposer aujourd’hui. Si je vous disais que l’« absence » de mémoire, en l’occurrence l’oubli, peut vous faire un bien fou. Quelles seraient vos impressions si cela pouvait faire une différence dans votre apprentissage et dans celui de vos apprenants ? Avant de me donner votre point de vue, laissez-moi vous expliquer tout ça.

Définition de l’oubli

Le Larousse définit l’oubli comme une défaillance, celle de « l’aptitude à se souvenir de quelque chose de précis ». Quand je tape « oubli » dans le dictionnaire des synonymes, je lis omission, étourderie, manque, mauvaise mémoire, perte de mémoire, trou (de mémoire), absence (d’esprit), déconcentration, dispersion, dissipation, distraction, inattention…

La plupart de ces sources attirent l’attention sur le caractère péjoratif de l’oubli, qui visiblement est une anomalie de la mémoire. Bon, il est clair que la vie sans mémoire est inimaginable. Mais attention, l’oubli est une fonction tout aussi vitale. Il n’est pas qu’une déficience, une perte ou un trou (de la mémoire). Pour donner un sens plus noble à l’oubli, on peut le classer en plusieurs catégories.

Quels sont les différents types d’oubli ?

L’oubli régressif

L’oubli régressif concerne les seniors, dont les performances mémorielles diminuent progressivement.

Bon à savoir Les mécanismes de l’oubli dépendent du taux de phosphatases, surnommées les molécules de l’oubli, qui augmentent avec l’âge. La capacité de la mémoire, quant à elle, repose sur les protéines kinases. L’équilibre entre les deux types de protéines permet à la mémoire et à l’oubli de travailler en synergie afin de consolider la persistance des souvenirs.

L’oubli répressif

L’oubli répressif se manifeste sous une forme défensive par laquelle la personne refuse les souvenirs d’un événement traumatisant du passé. C’est ce qu’on observe dans les cas d’amnésie hystérique. Il existe une sorte de répression sur un type de souvenir douloureux qu’on ne veut pas se remémorer.

L’oubli provoqué

C’est la forme d’oubli généré suite à un événement traumatisant, un choc, un accident cérébral, une tumeur ou encore une intervention chirurgicale.

Provoqué, régressif, répressif… Ces formes d’oubli entraînent des sentiments d’inquiétude, d’insécurité et d’incompréhension, ce qui pourrait expliquer pourquoi nous voyons l’oubli comme quelque chose de négatif. Paradoxalement (ou pas), ce qui est considéré comme négatif est juste le résultat de l’inconscient.

Loin de moi l’idée de nier que l’oubli est la conséquence pathologique d’un traumatisme. À l’opposé de ce qui vient d’être dit, l’oubli est ce qu’il est : une partie intégrante du fonctionnement de la mémoire de l’homme. Un processus tout simplement normal et essentiel qui peut faire énormément de bien au cerveau.

L’oubli naturel

Il ne faut pas omettre le fait que l’oubli est un processus biologique naturel. D’origine neurobiologique, il n’est ni une faiblesse ni une maladie.

Selon F. Nietzsche, l’oubli est « une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli. »

Plutôt que de parler de capacités mémorielles tout de suite, je vous propose de faire une pause. Méditons les bienfaits de l’oubli sur notre bien-être mental.

Nous avons besoin d’oublier pour vivre

Ne serait-ce pas épanouissant de pouvoir décider de ce qu’on veut garder en mémoire et oublier, d’avoir la possibilité d’écarter les douloureux souvenirs du passé pour laisser place à des instants de joie ?

L’oubli est une force du cerveau humain ! Il offre une nouvelle vie, un nouveau départ… C’est un atout pour se détacher des pensées inutiles qui bloquent l’esprit. Grâce à l’oubli, nous parvenons plus facilement à nous libérer et à nous réinventer. C’est une clé qui permet d’ouvrir les portes de l’avenir en toute sérénité.

Depuis que je me suis intéressé à l’oubli, j’ai commencé à l’appliquer (consciemment) dans ma vie quotidienne, avant d’aller dormir, en ayant terminé une tâche, pendant les moments en famille…

Ruminer tout ce qui est passé dans sa tête ne peut que générer de l’anxiété. Et devinez quoi ? Je me sens plus frais, je suis beaucoup plus productif et de plus en plus heureux.

Comment la mémoire et l’oubli travaillent-ils ensemble pour optimiser la rétention des informations ?

Dans le domaine de la neuropédagogie, l’oubli permet de faire un tri des informations obtenues en masse, parfois sans valeur pour notre apprentissage. L’esprit décide de ce qui le touche profondément (ou pas) pour le garder dans le subconscient. Ce qui nous interpelle peut provoquer des émotions fortes et favoriser l’ancrage.

Analyser la nature de l’oubli permet de travailler sur de meilleures pratiques pédagogiques et d’améliorer la stratégie de mémorisation. Une technique efficace qui repose sur la qualité du rappel ainsi que les répétitions ultérieures.

Tirer parti de l’oubli en conservant les bonnes informations dans la mémoire est autant une opportunité qu’un défi. Il peut être utile d’attirer l’attention des apprenants au moment de leur transmettre des éléments par différentes façons.

Des exemples simples comme l’utilisation judicieuse de mots-clés (« Attention », « Interdiction »…) ou encore des gestes sonores peuvent faire tilt dans la tête de l’apprenant.

Un conseil : diversifier les techniques et le faire de manière récurrente facilite la récupération des informations transmises. Et à contrario, faire oublier le trop-plein d’informations.

Pour apprendre, il faut juste oublier un peu (pas beaucoup)… juste assez afin d’optimiser la réactivation des informations. L’objectif primaire est de consolider la rétention dans la mémoire avec des reprises ni trop proches ni trop éloignées dans le temps.

En espérant que cette perspective de l’oubli vous serve dans vos prochains travaux d’apprentissage. N’oubliez pas de partager vos commentaires. C’est toujours intéressant pour moi de vous lire et d’avoir votre avis.

Sinon, ça vous dirait d’en savoir plus sur nos secrets pour multiplier par 3 le taux de mémorisation des apprenants ? Vous apprécierez certainement notre prochain article sur l’illusion de maîtrise.